En 1944 Esvres n’est qu’un gros village rural. Au recensement de 1936, pris en référence puisqu’aucun recensement n’a eu lieu pendant la guerre, il compte 1600 habitants répartis à égalité entre le bourg et les hameaux.

La  commune a déjà été meurtrie en janvier 1944 cinq arrestations suivies de déportations, dont celles de son maire Auguste NOYANT et de son curé Georges LHERMITTE. L’arrestation de plus de 30 personnes sur son territoire l’été de la même année constitue donc un véritable séisme.  D’autant plus que ce groupe de résistants était représentatif de la population dans toute sa diversité ; il rassemblait des personnes de toutes opinions, politiques ou religieuses, des femmes comme des  hommes. Tous les milieux sont touchés : paysans, artisans, ouvriers, étudiants, commerçants, fonctionnaires, etc…Citons l’héroïque famille SARD-DUPUY-FAUCHERE: cinq des siens ont choisi d’entrer en résistance, quatre ont été assassinés à Parçay-Meslay, seule  Geneviève SARD-FAUCHERE, est revenue de déportation en 1945.

Le mot Rafle a été volontairement utilisé dans cet article car il est défini dans les dictionnaires Larousse et Robert comme désignant une action policière  ayant  la  double caractéristique d’être massive et rapide. D’après le Littré, le mot Rafle a pour origine un terme germanique désignant un outil utilisé pour piéger des animaux ou des oiseaux. La notion de piège s’ajoute donc aux deux caractéristiques citées précédemment.

 

 

Pour la Rafle du Château de Vaux, le nombre de personnes piégées représente une fraction importante de la population adulte de ce territoire rural. A l’échelle d’une ville moyenne de 160 000 habitants, cela représenterait  environ  3000 personnes.

Ce traumatisme profond est ressenti jusqu’à la mise en place du procès organisé après la Libération et se prolonge bien au-delà. En particulier pour les familles de disparus. Pour beaucoup le verdict n’apparaît pas équitable : le procès s’est terminé par deux condamnations à mort, celle de PETITCLAIR et celle de PHAN BANG. A la sortie des condamnés la foule se déchaîne sur eux et les lynche sur les marches du Palais de justice de Tours. PHAN BANG mourra à l’hôpital.

 Cela témoigne de la violence des passions suscitées par ce drame dont bien des aspects restent encore obscurs. En ce qui concerne PETITCLAIR, après avoir bénéficié d’une grâce gouvernementale, il mourra à la prison de Fontevraud  le 21 aout 1946 à 32 ans. L’analyse du  courrier échangé avec son épouse n’a pas été faite.

Cette tragédie est d’autant plus brutale et cruelle qu’elle se produit quelques jours avant la libération de la Touraine. En aout 1944, alors que la liesse est générale, Esvres pleure ses morts et ses disparus, les déportés,  dont on ne saura absolument rien pendant de longs mois, jusqu’après la libération des camps au printemps 1945.

Certains résistants passèrent entre les mailles de ce filet diabolique comme Emile CHASTENET et son fils Jean (âgé de 17 ans en 1944) et d’autres combattants de l’ombre, ceux des réseaux dormants, contactés et prêts à passer à l’action en cas de besoin. Ils sont la preuve qu’aucun résistant du groupe n’a  parlé sous la torture, même ceux qui savaient tout. Ces survivants, traumatisés pour toujours par ce drame, préfèreront rester dans l’anonymat après la guerre, quand tant de « résistants de la dernière heure » se mettaient en avant, laissant ainsi s’accréditer bien des inexactitudes, en particulier le rattachement du groupe d’Esvres aux FTP en faisant l’impasse sur la caractéristique essentielle de ce groupe sa diversité citoyenne.

Maryvonne Bourreau, fille de Joseph Bourreau.

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